D’Antilles et D’Ailleurs à la rencontre des ouvriers agricoles

Vendredi 21 Mai, l’équipe D’Antilles et D’ailleurs s’est rendue à l’Habitation Bochet pour y rencontrer des ouvriers agricoles par rapport au festival ‘’Arte Moun ‘’.

 L’Habitation Bochet est située au Lamentin et est un lieu de culture de la banane. Cette habitation et les maisons qui s’y trouvent sont la propriété de Bernard HAYOT. Nous y avons rencontré Jocelyne, une ancienne ouvrière agricole pour discuter des conditions de vie, de travail et de l’impact que l’usage de certains produits a pu avoir sur sa vie. Grâce à elle, nous avons pu découvrir la souffrance des travailleurs et travailleuses.

Tout d’abord, comme dit plus tôt, les ouvriers nous expliquent que les maisons présentes sur l’habitation appartiennent légalement à Bernard HAYOT. Ce qui signifie que les ouvriers y vivant ne possèdent pas de titres de propriété malgré avoir acheté les terrains et se retrouvent donc souvent coincés lors de démarches comme entreprendre des travaux, des rénovations, etc. Ils sont donc contraints à demander et attendre des permissions préalables. Ces mêmes logements sont entourés de bananeraies ce qui fait des habitants un dommage collatéral lors des épandages.

Jocelyne nous explique que les fongicides sont mélangés à de l’huile avant d’être aspergés pour assurer que le produit retombe au bon endroit. Malheureusement, les maisons et les habitants sont aussi touchés par ces produits néfastes pour la santé : leurs maisons, leurs réservoirs d’eau et eux-mêmes se retrouvent aussi huilés. Ce genre d’exposition aux produits chimiques engendre une augmentation de maladies endocriniennes comme le cancer de la thyroïde et celui de la prostate. Une partie des hommes souffre aussi d’impuissance due à des retombées de produits sur leurs parties. Malgré toutes les preuves médicales, ces personnes n’ont malheureusement jamais été dédommagées.

« Le chlordécone interfère avec le fonctionnement du système hormonal, c’est un perturbateur endocrinien. Son activité oestrogénique, déjà̀ documentée chez l’animal, pourrait être à l’origine d’effets sur la grossesse et le développement des jeunes enfants.
L’action du chlordécone sur les récepteurs des œstrogènes lui donne également des propriétés de promoteur de tumeur, pouvant favoriser le développement de cancers hormono-dépendants. » (Source : www.martinique.gouv.fr)

Par la suite, nous avons parlé des conditions de travail qui nous étaient alors jusque-là méconnues.

« Le métier d’ouvrier agricole est un métier souvent regardé avec dédain. Mais c’est un travail dur qui mérite d’être reconnu. » nous a dit Jocelyne.

Elle nous explique qu’à l’époque où elle travaillait dans les champs, elle n’était payée que 73 francs (soit plus ou moins 11 euros) par semaine. Les travailleurs n’avaient aucun vêtement de travail, aucune protection contre les émanations de produits, aucun endroit ou se rincer après leur journée de travail. Ils ramenaient donc involontairement chez eux des restes de substances nocives qui atteignait donc ensuite leurs familles, notamment les enfants qui eux ne travaillaient pas. On découvre aussi grâce au récit de Jocelyne qu’il existait un rapport de domination entre les géreurs et les ouvriers agricoles. Les ouvrières travaillaient en effet sous menace, lorsqu’elles refusaient d’accomplir une certaine tâche ou d’avoir des relations sexuelles avec leurs responsables, elles prenaient le risque d’être mises à pied.

Avant de finir, nous avons demandé à Jocelyne si elle avait un message à faire passer, quelque chose à dire au monde extérieur.

« J’aimerais que les ouvriers agricoles aient une retraite convenable, même si moi je n’y ai pas droit parce que je ne travaille plus. J’aimerais que ceux qui travaillent actuellement y aient droit. C’est un travail difficile et regardé de haut. J’aimerais que les ouvriers agricoles cessent de baisser la tête devant les ‘’gros mordants’’. »